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un talent divin, un air de Pergolèse (la princesse aimait la musique surannée). Il se fit un petit bruit à trois pas de Fabrice ; pour la première fois de la soirée il détourna les yeux. Le fauteuil qui venait d’occasionner ce petit craquement sur le parquet était occupé par la marquise Crescenzi, dont les yeux remplis de larmes rencontrèrent en plein ceux de Fabrice, qui n’étaient guère en meilleur état. La marquise baissa la tête ; Fabrice continua à la regarder quelques secondes ; il faisait connaissance avec cette tête chargée de diamants ; mais son regard exprimait la colère et le dédain. Puis, se disant : et mes yeux ne te regarderont jamais, il se retourna vers son père général, et lui dit :

— Voici mon incommodité qui me prend plus fort que jamais.

En effet, Fabrice pleura à chaudes larmes pendant plus d’une demi-heure.

Par bonheur, une symphonie de Mozart, horriblement écorchée, comme c’est l’usage en Italie, vint à son secours et l’aida à sécher ses larmes.

Il tint ferme et ne tourna pas les yeux vers la marquise Crescenzi ; mais madame P… chanta de nouveau, et l’âme de Fabrice, soulagée par les larmes, arriva à un état de repos parfait. Alors la vie