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Fabrice s’était voué au silence le plus complet, après avoir ordonné à son domestique et aux gens de l’archevêché avec lesquels il avait des rapports de ne jamais lui adresser la parole.

Monsignore Landriani ayant appris cette nouvelle affectation, fit appeler Fabrice beaucoup plus souvent qu’à l’ordinaire, et voulut avoir avec lui de fort longues conversations ; il l’obligea même à des conférences avec certains chanoines de campagne, qui prétendaient que l’archevêché avait agi contre leurs privilèges. Fabrice prit toutes ces choses avec l’indifférence parfaite d’un homme qui a d’autres pensées. Il vaudrait mieux pour moi, pensait-il, me faire chartreux ; je souffrirais moins dans les rochers de Velleja.

Il alla voir sa tante, et ne put retenir ses larmes en l’embrassant. Elle le trouva tellement changé, ses yeux, encore agrandis par l’extrême maigreur, avaient tellement l’air de lui sortir de la tête, et lui-même avait une apparence tellement chétive et malheureuse, avec son petit habit noir et râpé de simple prêtre, qu’à ce premier abord la duchesse, elle aussi, ne put retenir ses larmes ; mais un instant après, lorsqu’elle se fut dit que tout ce changement dans l’apparence de ce beau jeune homme