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À ces mots, le comte Baldi ouvrit démesurément ses yeux si beaux ; il comprenait seulement.

— Si tu connais ce digne personnage de Parme, pour lequel tu espères de l’avancement, dit la marquise à Riscara, apparemment qu’il te connaît aussi ; sa maîtresse, son confesseur, son ami peuvent êtres vendus à la Sanseverina ; j’aime mieux différer cette petite plaisanterie de quelques jours, et ne m’exposer à aucun hasard. Partez dans deux heures comme de bons petits agneaux, ne voyez âme qui vive à Gênes et revenez bien vite. Le chevalier Riscara s’enfuit en riant, et parlant du nez comme Polichinelle : Il faut préparer les paquets, disait-il en courant d’une façon burlesque. Il voulait laisser Baldi seul avec la dame. Cinq jours après, Riscara ramena à la marquise son comte Baldi tout écorché : pour abréger de six lieues, on lui avait fait passer une montagne à dos de mulet ; il jurait qu’on ne le reprendrait plus à faire de grands voyages. Baldi remit à la marquise trois exemplaires de la lettre qu’elle lui avait dictée, et cinq ou six autres lettres de la même écriture, composées par Riscara, et dont on pourrait peut-être tirer parti par la suite. L’une de ces lettres contenait de fort jolies plaisanteries sur les peurs que le prince avait la nuit, et sur la déplorable