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du palais à la prison de la ville, où il restera des mois entiers, si Votre Altesse l’exige, et jusqu’à son jugement.

La duchesse vit avec désespoir que le prince, au lieu d’accorder d’un mot une chose aussi simple, était devenu sombre ; il était fort rouge, il regardait la duchesse, puis baissait les yeux, et ses joues pâlissaient. L’idée de poison, mal à propos mise en avant, lui avait suggéré une idée digne de son père ou de Philippe II ; mais il n’osait l’exprimer.

— Tenez, madame, lui dit-il enfin comme se faisant violence, et d’un ton fort peu gracieux, vous me méprisez comme un enfant, et de plus, comme un être sans grâces : eh bien ! je vais vous dire une chose horrible, mais qui m’est suggérée à l’instant par la passion profonde et vraie que j’ai pour vous. Si je croyais le moins du monde au poison, j’aurais déjà agi, mon devoir m’en faisait une loi ; mais je ne vois dans votre demande qu’une fantaisie passionnée, et dont peut-être, je vous demande la permission de le dire, je ne vois pas toute la portée. Vous voulez que j’agisse sans consulter mes ministres, moi qui règne depuis trois mois à peine ! vous me demandez une grande exception à ma façon d’agir ordinaire, et que je crois fort raisonnable, je l’avoue. C’est vous,