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l’a rangé devant la statue, et a fait dire au peuple qu’aucun de ceux qui entreraient dans les jardins n’en sortirait vivant, et le peuple avait peur. Mais ce qui est bien singulier, et que cet homme arrivant de Parme, et qui est un ancien gendarme, m’a répété plusieurs fois, c’est que M. le comte a donné des coups de pied au général P…, commandant la garde du prince, et l’a fait conduire hors du jardin par deux fusiliers, après lui avoir arraché ses épaulettes.

— Je reconnais bien là le comte, s’écria la duchesse avec un transport de joie qu’elle n’eût pas prévu une minute auparavant ; il ne souffrira jamais qu’on outrage notre princesse ; et quant au général P…, par dévouement pour ses maîtres légitimes, il n’a jamais voulu servir l’usurpateur, tandis que le comte, moins délicat, a fait toutes les campagnes d’Espagne, ce qu’on lui a souvent reproché à la cour.

La duchesse avait ouvert la lettre du comte, mais en interrompait la lecture pour faire cent questions à Bruno.

La lettre était bien plaisante ; le comte employait les termes les plus lugubres, et cependant la joie la plus vive éclatait à chaque mot ; il évitait les détails sur le genre de mort du prince, et finissait sa lettre par ces mots :