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m’arrêter ; Ferrante se sera laissé prendre, il aura parlé. Eh bien, tant mieux ! je vais avoir une occupation : je vais leur disputer ma tête. Mais primo, il ne faut pas se laisser prendre.

La duchesse, à demi vêtue, s’enfuit au fond de son jardin ; elle songeait déjà à passer par-dessus un petit mur et à se sauver dans la campagne ; mais elle vit qu’on entrait dans sa chambre. Elle reconnut Bruno, l’homme de confiance du comte : il était seul avec sa femme de chambre. Elle s’approcha de la porte-fenêtre. Cet homme parlait à la femme de chambre des blessures qu’il avait reçues. La duchesse rentra chez elle, Bruno se jeta presque à ses pieds, la conjurant de ne pas dire au comte l’heure ridicule à laquelle il arrivait.

— Aussitôt la mort du prince, ajouta-t-il, M. le comte a donné l’ordre, à toutes les postes, de ne pas fournir de chevaux aux sujets des états de Parme. En conséquence, je suis allé jusqu’au Pô avec les chevaux de la maison ; mais au sortir de la barque, ma voiture a été renversée, brisée, abîmée, et j’ai eu des contusions si graves que je n’ai pu monter à cheval, comme c’était mon devoir.

— Eh bien ! dit la duchesse, il est trois heures du matin : je dirai que vous êtes