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nité propice prenait le soin de les conduire par la main, Clélia, guidée par cet instinct et par la pensée d’une seule chose au monde, demanda à son oncle de comparer l’ancien exemplaire de saint Jérôme avec celui qu’il venait de recevoir. Comment dire son ravissement au milieu de la sombre tristesse où l’absence de Fabrice l’avait plongée, lorsqu’elle trouva sur les marges de l’ancien saint Jérôme le sonnet dont nous avons parlé, et les mémoires, jour par jour, de l’amour qu’on avait senti pour elle !

Dès le premier jour elle sut le sonnet par cœur ; elle le chantait, appuyée sur sa fenêtre, devant la fenêtre, désormais solitaire, où elle avait vu si souvent une petite ouverture se démasquer dans l’abat-jour. Cet abat-jour avait été démonté pour être placé sur le bureau du tribunal et servir de pièce de conviction dans un procès ridicule que Rassi instruisait contre Fabrice, accusé du crime de s’être sauvé, ou, comme disait le fiscal en riant lui-même, de s’être dérobé à la clémence d’un prince magnanime !

Chacune des démarches de Clélia était pour elle l’objet d’un vif remords, et depuis qu’elle était malheureuse les remords étaient plus vifs. Elle cherchait à apaiser un peu les reproches qu’elle s’adressait, en