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haute trahison ! se disait-il ivre de joie.

Ludovic eut l’idée excellente de placer dans une voiture un jeune chirurgien attaché à la maison de la duchesse, et qui avait beaucoup de la tournure de Fabrice.

— Prenez la fuite, lui dit-il, du côté de Bologne ; soyez fort maladroit, tâchez de vous faire arrêter ; alors coupez-vous dans vos réponses, et enfin avouez que vous êtes Fabrice del Dongo ; surtout gagnez du temps. Mettez de l’adresse à être maladroit, vous en serez quitte pour un mois de prison, et madame vous donnera 50 sequins.

— Est-ce qu’on songe à l’argent quand on sert madame ?

Il partit, et fut arrêté quelques heures plus tard, ce qui causa une joie bien plaisante au général Fabio Conti et à Rassi, qui, avec le danger de Fabrice, voyait s’envoler sa baronnie.

L’évasion ne fut connue à la citadelle que sur les six heures du matin, et ce ne fut qu’a dix qu’on osa en instruire le prince. La duchesse avait été si bien servie que, malgré le profond sommeil de Fabrice, qu’elle prenait pour un évanouissement mortel, ce qui fit que trois fois elle fit arrêter la voiture, elle passait le Pô dans une barque comme quatre heures sonnaient. Il y avait des relais sur la rive