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ardente avait pris cent précautions, trop longues à détailler ici, et d’une imprudence incroyable. On a calculé que plus de quatre-vingts agents étaient sur pied cette nuit-là, s’attendant à se battre pour quelque chose d’extraordinaire. Par bonheur, Ferrante et Ludovic étaient à la tête de tout cela, et le ministre de la police n’était pas hostile ; mais le comte lui-même remarqua que la duchesse ne fut trahie par personne, et qu’il ne sut rien comme ministre.

La duchesse perdit la tête absolument en revoyant Fabrice ; elle le serrait convulsivement dans ses bras, puis fut au désespoir en se voyant couverte de sang ; c’était celui des mains de Fabrice ; elle le crut dangereusement blessé. Aidée d’un de ses gens, elle lui ôtait son habit pour le panser, lorsque Ludovic, qui, par bonheur, se trouvait là, mit d’autorité la duchesse et Fabrice dans une des petites voitures qui étaient cachées dans un jardin près de la porte de la ville, et l’on partit ventre à terre pour aller passer le Pô près de Sacca. Ferrante, avec vingt hommes bien armés, faisait l’arrière-garde, et avait promis sur sa tête d’arrêter la poursuite. Le comte, seul et à pied, ne quitta les environs de la citadelle que deux heures plus tard, quand il vit que rien ne bougeait. Me voici en