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réellement quinze ou vingt. Un ivrogne qui se trouvait là endormi le prit pour un voleur. En tombant de cet arbre, Fabrice se démit presque le bras gauche. Il se mit à fuir vers le rempart, mais, à ce qu’il dit, ses jambes lui semblaient comme du coton ; il n’avait plus aucune force. Malgré le péril, il s’assit et but un peu d’eau-de-vie qui lui restait. Il s’endormit quelques minutes au point de ne plus savoir où il était en se réveillant ; il ne pouvait comprendre comment, se trouvant dans sa chambre, il voyait des arbres. Enfin la terrible vérité revint à sa mémoire. Aussitôt il marcha vers le rempart il y monta par un grand escalier. La sentinelle, qui était placée tout près, ronflait dans sa guérite. Il trouva une pièce de canon gisant dans l’herbe ; il y attacha sa troisième corde ; elle se trouva un peu trop courte, et il tomba dans un fossé bourbeux où il pouvait y avoir un pied d’eau. Pendant qu’il se relevait et cherchait à se reconnaître, il se sentit saisi par deux hommes ; il eut peur un instant ; mais bientôt il entendit prononcer près de son oreille et à voix très-basse : Ah ! monsignore ! monsignore ! Il comprit vaguement que ces hommes appartenaient à la duchesse ; aussitôt il s’évanouit profondément. Quelque temps après il sentit qu’il était porté par des