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passion, et qui m’a répété jusqu’à trois fois qu’il fallait prendre ce parti. Dieu vous sauve et la sainte Madone ? »

Fabio Conti était un geôlier toujours inquiet, toujours malheureux, voyant toujours en songe quelqu’un de ses prisonniers lui échapper : il était abhorré de tout ce qui était dans la citadelle ; mais le malheur inspirant les mêmes résolutions à tous les hommes, les pauvres prisonniers, ceux-là même qui étaient enchaînés dans des cachots hauts de trois pieds, larges de trois pieds et de huits pieds de longueur et où ils ne pouvaient se tenir debout ou assis, tous les prisonniers, même ceux-là, dis-je, eurent l’idée de faire chanter à leurs frais un Te Deum lorsqu’ils surent que leur gouverneur était hors de danger. Deux ou trois de ces malheureux firent des sonnets en l’honneur de Fabio Conti. Oh effet du malheur sur ces hommes ! Que celui qui les blâme soit conduit par sa destinée à passer un an dans un cachot haut de trois pieds, avec huit onces de pain par jour et jeûnant les vendredis.

Clélia, qui ne quittait la chambre de son père que pour aller prier dans la chapelle, dit que le gouverneur avait décidé que les réjouissances n’auraient lieu que le dimanche. Le matin de ce dimanche, Fabrice assista à la messe et au Te Deum ;