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d’un mois, et j’ai raison de dire qu’elle tue de sa main monseigneur Fabrice.

Clélia était épouvantée de l’étrange tranquillité de Ludovic.

Ainsi, me voilà en dialogue réglé, se disait-elle, avec l’empoisonneur de mon père, et qui emploie des tournures polies pour me parler ! Et c’est l’amour qui m’a conduite à tous ces crimes !…

Le remords lui laissait à peine la force de parler ; elle dit à Ludovic :

— Je vais vous enfermer à clef dans ce salon. Je cours apprendre au médecin qu’il ne s’agit que de laudanum ; mais, grand Dieu ! comment lui dirai-je que je l’ai appris moi-même ? Je reviens ensuite vous délivrer.

Mais, dit Clélia revenant en courant d’auprès de la porte, Fabrice savait-il quelque chose du laudanum ?

— Mon Dieu non, mademoiselle, il n’y eût jamais consenti. Et puis, à quoi bon faire une confidence inutile ? nous agissons avec la prudence la plus stricte. Il s’agit de sauver la vie à monseigneur, qui sera empoisonné d’ici à trois semaines ; l’ordre en a été donné par quelqu’un qui d’ordinaire ne trouve point d’obstacle à ses volontés ; et, pour tout dire à mademoiselle, on prétend que c’est le terrible fiscal général Rassi qui a reçu cette commission.