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pas même le comte. Elle voulait se trouver seule avec elle-même, et voir un peu quelle idée elle devait se former de la scène qui venait d’avoir lieu. Elle avait agi au hasard et pour se faire plaisir au moment même ; mais à quelque démarche qu’elle se fût laissé entraîner elle y eût tenu avec fermeté. Elle ne se fût point blâmée en revenant au sang-froid, encore moins repentie ; tel était le caractère auquel elle devait d’être encore à trente-six ans la plus jolie femme de la cour.

Elle rêvait en ce moment à ce que Parme pouvait offrir d’agréable, comme elle eût fait au retour d’un long voyage, tant de neuf heures à onze elle avait cru fermement quitter ce pays pour toujours.

Ce pauvre comte a fait une plaisante figure lorsqu’il a connu mon départ en présence du prince… Au fait, c’est un homme aimable et d’un cœur bien rare ! Il eût quitté ses ministères pour me suivre… Mais aussi pendant cinq années entières il n’a pas eu une distraction à me reprocher. Quelles femmes mariées à l’autel pourraient en dire autant à leur seigneur et maître ? Il faut convenir qu’il n’est point important, point pédant ; il ne donne nullement l’envie de le tromper ; devant moi il semble toujours avoir honte de sa puissance… Il faisait une