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— Mais je crains la timidité de votre caractère ; et d’ailleurs, ajouta poliment la duchesse, quel intérêt peut vous inspirer un inconnu ?

— M. del Dongo est malheureux, et je vous promets que par moi il sera sauvé !

Mais la duchesse, ne comptant que fort médiocrement sur la présence d’esprit d’une jeune personne de vingt ans, avait pris d’autres précautions dont elle se garda bien de faire part à la fille du gouverneur. Comme il était naturel de le supposer, ce gouverneur se trouvait à la fête donnée pour le mariage de la sœur du marquis Crescenzi. La duchesse se dit que, si elle lui faisait donner un fort narcotique, on pourrait croire dans le premier moment qu’il s’agissait d’une attaque d’apoplexie, et alors, au lieu de le placer dans sa voiture pour le ramener à la citadelle, on pourrait, avec un peu d’adresse, faire prévaloir l’avis de se servir d’une litière, qui se trouverait par hasard dans la maison où se donnait la fête. Là se rencontreraient aussi des hommes intelligents, vêtus en ouvriers employés pour la fête, et qui, dans le trouble général, s’offriraient obligeamment pour transporter le malade jusqu’à son palais, si élevé. Ces hommes, dirigés par Ludovic, portaient une assez grande quantité de cordes, adroitement