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timides et assez honnêtes gens, et qui satisfera vos passions. Trouvez un autre homme dans vos états aussi utile que moi !

Cela dit, Rassi s’enfuit ; il en avait été quitte pour un coup de règle bien appliqué et cinq ou six coups de pied. En sortant du palais, il partit pour sa terre de Riva ; il avait quelque crainte d’un coup de poignard dans le premier mouvement de colère, mais il ne doutait pas non plus qu’avant quinze jours un courrier ne le rappelât dans la capitale. Il employa le temps qu’il passa à la campagne à organiser un moyen de correspondance sûr avec le comte Mosca ; il était amoureux fou du titre de baron, et pensait que le prince faisait trop de cas de cette chose jadis sublime, la noblesse, pour la lui conférer jamais ; tandis que le comte, très-fier de sa naissance, n’estimait que la noblesse prouvée par des titres avant l’an 1 400.

Le fiscal général ne s’était point trompé dans ses prévisions : il y avait à peine huit jours qu’il était à sa terre, lorsqu’un ami du prince, qui y vint par hasard, lui conseilla de retourner à Parme sans délai ; le prince le reçut en riant, prit ensuite un air fort sérieux, et lui fit jurer sur l’Évangile qu’il garderait le secret sur ce qu’il allait lui confier ; Rassi jura d’un