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Le prince, au contraire des deux autres personnages, avait la figure rouge et l’air inquiet ; sa main gauche jouait d’une façon convulsive avec la croix attachée au grand cordon de son ordre qu’il portait sous l’habit ; de la main droite il se caressait le menton.

— Que faut-il faire ? dit-il au comte, sans trop savoir ce qu’il faisait lui-même et entraîné par l’habitude de le consulter sur tout.

— Je n’en sais rien en vérité, Altesse Sérénissime, répondit le comte de l’air d’un homme qui rend le dernier soupir. Il pouvait à peine prononcer les mots de sa réponse. Le ton de cette voix donna au prince la première consolation que son orgueil blessé eût trouvée dans cette audience, et ce petit bonheur lui fournit une phrase heureuse pour son amour-propre.

— Eh bien ! dit-il, je suis le plus raisonnable des trois ; je veux bien faire abstraction complète de ma position dans le monde. Je vais parler comme un ami, et il ajouta, avec un beau sourire de condescendance bien imité des temps heureux de Louis XIV, comme un ami parlant à des amis : Madame la duchesse, ajouta-t-il, que faut-il faire pour vous faire oublier une résolution intempestive ?

— En vérité, je n’en sais rien, répondit la duchesse avec un grand soupir, en vérité,