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fait naître des sentiments qui puissent vous porter à résister aux conseils de la duchesse. Voyez ce que vous m’obligez à vous répéter ; sauvez-vous, je vous l’ordonne… »

Cette lettre était fort longue ; certains passages, tels que le je vous l’ordonne, que nous venons de transcrire, donnèrent des moments d’espoir délicieux à l’amour de Fabrice. Il lui semblait que le fond des sentiments était assez tendre, si les expressions étaient remarquablement prudentes. Dans d’autres instants, il payait la peine de sa complète ignorance en ce genre de guerre ; il ne voyait que de la simple amitié, ou même de l’humanité fort ordinaire, dans cette lettre de Clélia.

Au reste, tout ce qu’elle lui apprenait ne lui fit pas changer un instant de dessein ; en supposant que les périls qu’elle lui peignait fussent bien réels, était-ce trop que d’acheter, par quelques dangers du moment, le bonheur de la voir tous les jours ? Quelle vie mènerait-il quand il serait de nouveau réfugié à Bologne ou à Florence ? car, en se sauvant de la citadelle, il ne pouvait pas même espérer la permission de vivre à Parme. Et même, quand le prince changerait au point de le mettre en liberté (ce qui était si peu probable, puisque lui, Fabrice, était devenu, pour