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Italie, il y avait songé comme à une ressource, si le destin le séparait de Clélia.

Le lendemain il reçut d’elle une fort longue lettre.

« Il faut, mon ami, que vous sachiez la vérité : bien souvent, depuis que vous êtes ici, l’on a cru à Parme que votre dernier jour était arrivé. Il est vrai que vous n’êtes condamné qu’à douze années de forteresse ; mais il est, par malheur, impossible de douter qu’une haine toute-puissante ne s’attache à vous poursuivre, et vingt fois j’ai tremblé que le poison ne vînt mettre fin à vos jours : saisissez donc tous les moyens possibles de sortir d’ici. Vous voyez que pour vous je manque aux devoirs les plus saints ; jugez de l’imminence du danger par les choses que je me hasarde à vous dire et qui sont si déplacées dans ma bouche. S’il le faut absolument, s’il n’est aucun autre moyen de salut, fuyez. Chaque instant que vous passez dans cette forteresse peut mettre votre vie dans le plus grand péril ; songez qu’il est un parti à la cour que la perspective du crime n’arrêta jamais dans ses desseins. Et ne voyez-vous pas tous les projets de ce parti sans cesse déjoués par l’habileté supérieure du comte Mosca ? Or, on a trouvé un moyen certain de l’exiler de Parme, c’est le désespoir de la duchesse ;