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conque avec le dehors, et pourtant sans se trouver malheureux ; Grillo était resté fort tard le matin dans sa chambre ; Fabrice ne savait comment le renvoyer, il était au désespoir ; enfin midi et demi avait déjà sonné lorsqu’il put ouvrir les deux petites trappes d’un pied de haut qu’il avait pratiquées à l’abat-jour fatal.

Clélia était debout à la fenêtre de la volière, les yeux fixés sur celle de Fabrice ; ses traits contractés exprimaient le plus violent désespoir. À peine vit-elle Fabrice, qu’elle lui fit signe que tout était perdu ; elle se précipita à son piano et, feignant de chanter un récitatif de l’opéra alors à la mode, elle lui dit, en phrases interrompues par le désespoir et par la crainte d’être comprise par les sentinelles qui se promenaient sous la fenêtre :

« Grand Dieu ! vous êtes encore en vie ? Que ma reconnaissance est grande envers le Ciel ! Barbone, ce geôlier dont vous punîtes l’insolence le jour de votre entrée ici, avait disparu, il n’était plus dans la citadelle avant-hier soir ; il est rentré, et depuis hier j’ai lieu de croire qu’il cherche à vous empoisonner. Il vient rôder dans la cuisine particulière du palais qui fournit vos repas. Je ne sais rien de sûr, mais ma femme de chambre croit que cette figure atroce