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cette occurrence était le comble de la déraison : on peut juger de ses souffrances !… Elles étaient d’autant plus cruelles qu’elle ne se faisait aucune illusion. Elle s’attachait à un homme qui était éperdument aimé de la plus belle femme de la cour, d’une femme qui, à tant de titres, était supérieure à elle Clélia ! Et cet homme même, eût-il été libre, n’était pas capable d’un attachement sérieux, tandis qu’elle, comme elle le sentait trop bien, n’aurait jamais qu’un seul attachement dans la vie.

C’était donc le cœur agité des plus affreux remords que tous les jours Clélia venait à la volière : portée en ce lieu comme malgré elle, son inquiétude changeait d’objet et devenait moins cruelle, les remords disparaissaient pour quelques instants ; elle épiait, avec des battements de cœur indicibles, les moments où Fabrice pouvait ouvrir la sorte de vasistas par lui pratiqué dans l’immense abat-jour qui masquait sa fenêtre. Souvent la présence du geôlier Grillo dans sa chambre l’empêchait de s’entretenir par signes avec son amie.

Un soir, sur les onze heures, Fabrice entendit des bruits de la nature la plus étrange dans la citadelle ; de nuit, en se couchant sur la fenêtre et sortant la tête