Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

piré tant de pitié, et cependant elle commençait à la haïr. Elle ne comprenait rien à la profonde mélancolie qui s’emparait de son caractère, elle avait de l’humeur contre elle-même. Deux ou trois fois, pendant le cours de cette visite, Fabrice eut l’impatience de chercher à ébranler l’abat-jour ; il lui semblait qu’il n’était pas heureux tant qu’il ne pouvait pas témoigner à Clélia qu’il la voyait. Cependant, se disait-il, si elle savait que je l’aperçois avec autant de facilité, timide et réservée comme elle l’est, sans doute elle se déroberait à mes regards.

Il fut bien plus heureux le lendemain (de quelles misères l’amour ne fait-il pas son bonheur !) : pendant qu’elle regardait tristement l’immense abat-jour, il parvint à faire passer un petit morceau de fil de fer par l’ouverture que la croix de fer avait pratiquée, et il lui fit des signes qu’elle comprit évidemment, du moins dans ce sens qu’ils voulaient dire : je suis là et je vous vois.

Fabrice eut du malheur les jours suivants. Il voulait enlever à l’abat-jour colossal un morceau de planche grand comme la main, que l’on pourrait remettre à volonté et qui lui permettrait de voir et d’être vu, c’est-à-dire de parler, par signes du moins, de ce qui se passait dans son