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— Mais quoi ! s’écria-t-il tout à coup parlant au menuisier, je ne verrai plus ces jolis oiseaux ?

— Ah ! les oiseaux de mademoiselle qu’elle aime tant ! dit cet homme avec l’air de la bonté ; cachés, éclipsés, anéantis comme tout le reste.

Parler était défendu au menuisier tout aussi strictement qu’aux geôliers, mais cet homme avait pitié de la jeunesse du prisonnier : il lui apprit que ces abat-jour énormes, placés sur l’appui des deux fenêtes, et s’éloignant du mur tout en s’élevant, ne devaient laisser aux détenus que la vue du ciel. On fait cela pour la morale, lui dit-il, afin d’augmenter une tristesse salutaire et l’envie de se corriger dans l’âme des prisonniers ; le général, ajouta le menuisier, a aussi inventé de leur retirer les vitres, et de les faire remplacer à leurs fenêtres par du papier huilé.

Fabrice aima beaucoup le tour épigrammatique de cette conversation, fort rare en Italie.

— Je voudrais bien avoir un oiseau pour me désennuyer, je les aime à la folie ; achetez-m’en un de la femme de chambre de mademoiselle Clélia Conti.

— Quoi ! vous la connaissez, s’écria le menuisier, que vous dites si bien son nom ?