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Cette idée par son imprévu baroque donna au pauvre comte un second instant de gaieté parfaite.

Au sortir de chez la princesse Isola, qui avait grandement rougi en recevant l’aveu de la passion du premier ministre, celui-ci rencontra un des fourriers du palais ; le prince le faisait demander en toute hâte.

— Je suis malade, répondit le ministre, ravi de pouvoir faire une malhonnêteté à son prince. Ah ! ah ! vous me poussez à bout, s’écria-t-il avec fureur, et puis vous voulez que je vous serve ! mais sachez, mon prince, qu’avoir reçu le pouvoir de la Providence ne suffit plus en ce siècle-ci, il faut beaucoup d’esprit et un grand caractère pour réussir à être despote.

Après avoir renvoyé le fourrier du palais fort scandalisé de la parfaite santé de ce malade, le comte trouva plaisant d’aller voir les deux hommes de la cour qui avaient le plus d’influence sur le général Fabio Conti. Ce qui surtout faisait frémir le ministre et lui ôtait tout courage, c’est que le gouverneur de la citadelle était accusé de s’être défait jadis d’un capitaine, son ennemi personnel, au moyen de l’aquella de Pérouse.

Le comte savait que depuis huit jours la duchesse avait répandu des sommes folles pour se ménager des intelligences à