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il arracha une branche à un peuplier, l’effeuilla et se mit à battre son cheval à tour de bras ; la rosse prit le galop un instant puis revint à son petit trot accoutumé. La vivandière avait mis son cheval au galop : — Arrête-toi donc, arrête ! criait-elle à Fabrice. Bientôt tous les deux furent hors du bois ; en arrivant au bord de la plaine, ils entendirent un tapage effroyable, le canon et la mousqueterie tonnaient de tous les côtés, à droite, à gauche, derrière. Et comme le bouquet de bois d’où ils sortaient occupait un tertre élevé de huit ou dix pieds au-dessus de la plaine, ils aperçurent assez bien un coin de la bataille ; mais enfin il n’y avait personne dans le pré au delà du bois. Ce pré était bordé, à mille pas de distance, par une longue rangée de saules, très-touffus au-dessus des saules paraissait une fumée blanche qui quelquefois s’élevait dans le ciel en tournoyant.

— Si je savais seulement où est le régiment, disait la cantinière embarrassée ! Il ne faut pas traverser ce grand pré tout droit. À propos, toi, dit-elle à Fabrice, si tu vois un soldat ennemi, pique-le avec la pointe de ton sabre, ne va pas t’amuser à le sabrer.

À ce moment, la cantinière aperçut les quatre soldats dont nous venons de parler,