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La cantinière tourna à droite et prit un chemin de traverse au milieu des prairies ; il y avait un pied de boue ; la petite charrette fut sur le point d’y rester ; Fabrice poussa à la roue. Son cheval tomba deux fois ; bientôt le chemin, moins rempli d’eau, ne fut plus qu’un sentier au milieu du gazon. Fabrice n’avait pas fait cinq cents pas que sa rosse s’arrêta tout court ; c’était un cadavre, posé en travers du sentier, qui faisait horreur au cheval et au cavalier.

La figure de Fabrice, très-pâle naturellement, prit une teinte verte fort prononcée ; la cantinière, après avoir regardé le mort, dit, comme se parlant à elle-même :

— Ça n’est pas de notre division.

Puis, levant les yeux sur notre héros, elle éclata de rire.

— Ha ! ha ! mon petit ! s’écria-t-elle, en voilà du nanan ! Fabrice restait glacé. Ce qui le frappait surtout c’était la saleté des pieds de ce cadavre qui déjà était dépouillé de ses souliers, et auquel on n’avait laissé qu’un mauvais pantalon tout souillé de sang.

— Approche, lui dit la cantinière ; descends de cheval ; il faut que tu t’y accoutumes ; tiens, s’écria-t-elle, il en a eu par la tête.

Une balle, entrée à côté du nez, était