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— Je ne crains rien au monde ! s’écria M***.

— C’est ce que votre adversaire désire avec le plus de passion, répliqua Ludovic. Demain, de grand matin, préparez-vous à défendre votre vie ; elle sera attaquée par un homme qui a raison d’être fort en colère et qui ne vous ménagera pas ; je vous répète que vous aurez le choix des armes ; et faites votre testament.

Vers les six heures du matin, le lendemain, on servit à déjeuner au comte M***, puis on ouvrit une porte de la chambre où il était gardé, et on l’engagea à passer dans la cour d’une auberge de campagne ; cette cour était environnée de haies et de murs assez hauts, et les portes en étaient soigneusement fermées.

Dans un angle, sur une table de laquelle on invita le comte M*** à s’approcher, il trouva quelques bouteilles de vin et d’eau-de-vie, deux pistolets, deux épées, deux sabres, du papier et de l’encre ; une vingtaine de paysans étaient aux fenêtres de l’auberge qui donnaient sur la cour. Le comte implora leur pitié. — On veut m’assassiner ! s’écriait-il ; sauvez-moi la vie !

— Vous vous trompez ! ou vous voulez tromper, lui cria Fabrice qui était à l’angle opposé de la cour, à côté d’une table