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au contraire, qui ne voit pas dans mon cœur et qui prend une caresse pour un transport de l’âme, me croit fou d’amour, et s’estime la plus heureuse des femmes.

Dans le fait je n’ai connu un peu cette préoccupation tendre qu’on appelle, je crois, l’amour, que pour cette jeune Aniken de l’auberge de Zonders, près de la frontière de Belgique.

C’est avec regret que nous allons placer ici l’une des plus mauvaises actions de Fabrice : au milieu de cette vie tranquille, une misérable pique de vanité s’empara de ce cœur rebelle à l’amour et le conduisit fort loin. En même temps que lui se trouvait à Bologne la fameuse Fausta F***, sans contredit l’une des premières chanteuses de notre époque, et peut-être la femme la plus capricieuse que l’on ait jamais vue. L’excellent poëte Burati, de Venise, avait fait sur son compte ce fameux sonnet satirique qui alors se trouvait dans la bouche des princes comme des derniers gamins de carrefours.

« Vouloir et ne pas vouloir, adorer et détester en un jour, n’être contente que dans l’inconstance, mépriser ce que le monde adore, tandis que le monde l’adore, la Fausta a ces défauts et bien d’autres encore. Donc ne vois jamais ce serpent. Si tu la vois, imprudent, tu