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il s’agissait de savoir si la mort de ce comédien, qui de son vivant gagnait trente-deux francs par mois, amènerait la chute du ministère ultra et de son chef le comte Mosca.

En apprenant la mort de Giletti, le prince, piqué des airs d’indépendance que se donnait la duchesse, avait ordonné au fiscal général Rassi de traiter tout ce procès comme s’il se fût agi d’un libéral. Fabrice, de son côté, croyait qu’un homme de son rang était au-dessus des lois ; il ne calculait pas que dans les pays où les grands noms ne sont jamais punis, l’intrigue peut tout, même contre eux. Il parlait souvent à Ludovic de sa parfaite innocence qui serait bien vite proclamée ; sa grande raison c’est qu’il n’était pas coupable. Sur quoi Ludovic lui dit un jour :

— Je ne conçois pas comment Votre Excellence, qui a tant d’esprit et d’instruction, prend la peine de dire de ces choses-là à moi qui suis son serviteur dévoué ; Votre Excellence use de trop de précautions, ces choses-là sont bonnes à dire en public ou devant un tribunal. Cet homme me croit un assassin et ne m’en aime pas moins, se dit Fabrice, tombant de son haut.

Trois jours après le départ de Pépé, il fut bien étonné de recevoir une lettre