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— Et d’où diable connais-tu mon Excellence ?

— Comment Votre Excellence ne reconnaît pas ? Ludovic, l’un des cochers de madame la duchesse Sanseverina ? À Sacca, la maison de campagne où nous allions tous les ans, je prenais toujours la fièvre ; j’ai demandé la pension à madame et me suis retiré. Me voici riche ; au lieu de la pension de douze écus par an à laquelle tout au plus je pouvais avoir droit, madame m’a dit que pour me donner le loisir de faire des sonnets, car je suis poète en langue vulgaire, elle m’accordait vingt-quatre écus, et monsieur le comte m’a dit que si jamais j’étais malheureux, je n’avais qu’à venir lui parler. J’ai eu l’honneur de mener Monsignore pendant un relais lorsqu’il est allé faire sa retraite comme un bon chrétien à la chartreuse de Velleja.

Fabrice regarda cet homme et le reconnut un peu. C’était un des cochers les plus coquets de la casa Sanseverina ; maintenant qu’il était riche, disait-il, il avait pour tout vêtement une grosse chemise déchirée et une culotte de toile, jadis teinte en noir, qui lui arrivait à peine aux genoux ; une paire de souliers et un mauvais chapeau complétaient l’équipage. De plus, il ne s’était pas fait la barbe depuis