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en encre bleue sur le passe-port, écrivit rapidement les mots : Mantoue, Venise et Ferrare dans l’espace laissé en blanc par la griffe, puis il fit plusieurs tours en l’air avec la main, signa et reprit de l’encre pour son paraphe qu’il exécuta avec lenteur et en se donnant des soins infinis. Fabrice suivait tous les mouvements de cette plume ; le commis regarda son paraphe avec complaisance, il y ajouta cinq ou six points, enfin il remit le passe-port à Fabrice en disant d’un air léger : bon voyage, monsieur.

Fabrice s’éloignait d’un pas dont il cherchait à dissimuler la rapidité, lorsqu’il se sentit arrêter par le bras gauche ; instinctivement il mit la main sur le manche de son poignard, et s’il ne se fût vu entouré de maisons, il fût peut-être tombé dans une étourderie. L’homme qui lui touchait le bras gauche, lui voyant l’air tout effaré, lui dit en forme d’excuse :

— Mais j’ai appelé monsieur trois fois, sans qu’il répondît ; monsieur a-t-il quelque chose à déclarer à la douane ?

— Je n’ai sur moi que mon mouchoir ; je vais ici tout près chasser chez un de mes parents.

Il eût été bien embarrassé si on l’eût prié de nommer ce parent. Par la grande chaleur qu’il faisait et avec ces émotions