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le passe-port, et cette lecture dura bien cinq minutes.

— Vous avez eu un accident, dit-il à l’étranger en indiquant sa joue du regard.

— Le vetturino nous a jetés en bas de la digue du Pô. Puis le silence recommença et l’employé lançait des regards farouches sur le voyageur.

J’y suis, se dit Fabrice, il va me dire qu’il est fâché d’avoir une mauvaise nouvelle à m’apprendre et que je suis arrêté. Toutes sortes d’idées folles arrivèrent à la tête de notre héros, qui dans ce moment n’était pas fort logique. Par exemple, il songea à s’enfuir par la porte du bureau qui était restée ouverte ; je me défais de mon habit ; je me jette dans le Pô, et sans doute je pourrai le traverser à la nage. Tout vaut mieux que le Spielberg. L’employé de police le regardait fixement au moment où il calculait les chances de succès de cette équipée, cela faisait deux bonnes physionomies. La présence du danger donne du génie à l’homme raisonnable, elle le met, pour ainsi dire, au-dessus de lui-même ; à l’homme d’imagination elle inspire des romans, hardis il est vrai, mais souvent absurdes.

Il fallait voir l’œil indigné de notre héros sous l’œil scrutateur de ce commis