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ture avançait toujours au petit trot. Quand on vit de loin les barrières jaunes rayées de noir qui annoncent les possessions autrichiennes, la vieille femme dit à Fabrice :

— Vous feriez mieux d’entrer à pied avec le passe-port de Giletti dans votre poche ; nous, nous allons nous arrêter un instant, sous prétexte de faire un peu de toilette. Et d’ailleurs, la douane visitera nos effets. Vous, si vous m’en croyez, traversez Casal-Maggiore d’un pas nonchalant ; entrez même au café et buvez le verre d’eau-de-vie ; une fois hors du village, filez ferme. La police est vigilante en diable en pays autrichien ; elle saura bientôt qu’il y a eu un homme de tué ; vous voyagez avec un passe-port qui n’est pas le vôtre, il n’en faut pas tant pour passer deux ans en prison. Gagnez le Pô à droite en sortant de la ville, louez une barque et réfugiez-vous à Ravenne ou à Ferrare ; sortez au plus vite des états autrichiens. Avec deux louis vous pourrez acheter un autre passe-port de quelque douanier, celui-ci vous serait fatal ; rappelez-vous que vous avez tué l’homme.

En approchant à pied du pont de bateaux de Casal-Maggiore, Fabrice relisait attentivement le passe-port de Giletti. Notre héros avait grand’peur, il se rappelait vivement tout ce que le comte Mosca