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ments passionnés que lui inspirait la contemplation de cet édifice majestueux qu’il jugeait si froidement la veille. Au milieu de sa rêverie, des pas d’homme vinrent le réveiller ; il regarda et se vit au milieu de quatre gendarmes. Il avait deux excellents pistolets dont il venait de renouveler les amorces en dînant ; le petit bruit qu’il fit en les armant attira l’attention d’un des gendarmes, et fut sur le point de le faire arrêter. Il s’aperçut du danger qu’il courait et pensa à faire feu le premier ; c’était son droit, car c’était la seule manière qu’il eût de résister à quatre hommes bien armés. Par bonheur les gendarmes, qui circulaient pour faire évacuer les cabarets, ne s’étaient point montrés tout à fait insensibles aux politesses qu’ils avaient reçues dans plusieurs de ces lieux aimables ; ils ne se décidèrent pas assez rapidement à faire leur devoir. Fabrice prit la fuite en courant à toutes jambes. Les gendarmes firent quelques pas en courant aussi et criant : Arrête ! arrête ! puis tout rentra dans le silence. À trois cents pas de là, Fabrice s’arrêta pour reprendre haleine. Le bruit de mes pistolets a failli me faire prendre ; c’est bien pour le coup que la duchesse m’eût dit, si jamais il m’eût été donné de revoir ses beaux yeux, que mon âme trouve du plaisir à contempler ce qui