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Il fut soulagé pour quelques instants, son attention vint à s’arrêter sur la lettre anonyme. De quelle part pouvait-elle venir ? Il y eut là une recherche de noms, et un jugement à propos de chacun d’eux, qui fit diversion. À la fin, le comte se rappela un éclair de malice qui avait jailli de l’œil du souverain, quand il en était venu à dire, vers la fin de l’audience : Oui, cher ami, convenons-en, les plaisirs et les soins de l’ambition la plus heureuse, même du pouvoir sans bornes, ne sont rien auprès du bonheur intime que donnent les relations de tendresse et d’amour. Je suis homme avant d’être prince, et, quand j’ai le bonheur d’aimer, ma maîtresse s’adresse à l’homme et non au prince. Le comte rapprocha ce moment de bonheur malin de cette phrase de la lettre : C’est grâce à votre profonde sagacité que nous voyons cet État si bien gouverné. Cette phrase est du prince, s’écria-t-il, chez un courtisan elle serait d’une imprudence gratuite ; la lettre vient de Son Altesse.

Ce problème résolu, la petite joie causée par le plaisir de deviner fut bientôt effacée par la cruelle apparition des grâces charmantes de Fabrice, qui revint de nouveau. Ce fut comme un poids énorme qui retomba sur le cœur du malheureux. Qu’importe de qui soit la lettre anonyme ! s’écria-t-il