Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais comment s’y prendre ? Aller chez un simple particulier ! c’était une chose que ni son père ni lui n’avaient jamais faite !

Un certain jeudi, il pleuvait, il faisait froid ; à chaque instant de la soirée le duc entendait des voitures qui ébranlaient le pavé de la place du palais, en allant chez madame Sanseverina. Il eut un mouvement d’impatience ; d’autres s’amusaient, et lui, prince souverain, maître absolu, qui devait s’amuser plus que personne au monde, il connaissait l’ennui ! Il sonna son aide de camp, il fallut le temps de placer une douzaine de gens affidés dans la rue qui conduisait du palais de Son Altesse au palais Sanseverina. Enfin, après une heure qui parut un siècle au prince, et pendant laquelle il fut vingt fois tenté de braver les poignards et de sortir à l’étourdie et sans nulle précaution, il parut dans le premier salon de madame Sanseverina. La foudre serait tombée dans ce salon qu’elle n’eût pas produit une pareille surprise. En un clin d’œil, et à mesure que le prince s’avançait, s’établissait dans ces salons si bruyants et si gais un silence de stupeur ; tous les yeux, fixés sur le prince, s’ouvraient outre mesure. Les courtisans paraissaient déconcertés ; la duchesse elle seule n’eut point l’air étonné. Quand enfin