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Milan elle sera nouvelle, et on me l’attribuera. Ainsi, mon beau théâtre de la Scala, mon divin lac de Côme… adieu ! adieu !

Malgré toutes ces prévisions, si la comtesse avait eu la moindre fortune, elle eût accepté l’offre de la démission de Mosca. Elle se croyait une femme âgée, et la cour lui faisait peur mais, ce qui paraîtra de la dernière invraisemblance de ce côté-ci des Alpes, c’est que le comte eût donné cette démission avec bonheur. C’est du moins ce qu’il parvint à persuader à son amie. Dans toutes ses lettres il sollicitait avec une folie toujours croissante une seconde entrevue à Milan, on la lui accorda. Vous jurer que j’ai pour vous une passion folle, lui disait la comtesse, un jour à Milan, ce serait mentir ; je serais trop heureuse d’aimer aujourd’hui, à trente ans passés, comme jadis j’aimais à vingt-deux ! Mais j’ai vu tomber tant de choses que j’avais crues éternelles ! J’ai pour vous la plus tendre amitié, je vous accorde une confiance sans bornes, et de tous les hommes, vous êtes celui que je préfère. La comtesse se croyait parfaitement sincère, pourtant vers la fin, cette déclaration contenait un petit mensonge. Peut-être, si Fabrice l’eût voulu, il l’eût emporté sur tout dans son cœur. Mais Fabrice