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retourna dans cette loge le lendemain ; cet homme d’esprit revint, et, tout le temps du spectacle, elle lui parla avec plaisir. Depuis le départ de Fabrice, elle n’avait pas trouvé une soirée vivante comme celle-là. Cet homme qui l’amusait, le comte Mosca della Rovere Sorezana, était alors ministre de la guerre, de la police et des finances de ce fameux prince de Parme, Ernest IV, si célèbre par ses sévérités que les libéraux de Milan appelaient des cruautés. Mosca pouvait avoir quarante ou quarante-cinq ans ; il avait de grands traits, aucun vestige d’importance, et un air simple et gai qui prévenait en sa faveur ; il eût été fort bien encore, si une bizarrerie de son prince ne l’eût obligé à porter de la poudre dans les cheveux comme gage de bons sentiments politiques. Comme on craint peu de choquer la vanité, on arrive fort vite en Italie au ton de l’intimité, et à dire des choses personnelles. Le correctif de cet usage est de ne pas se revoir si l’on s’est blessé.

— Pourquoi donc, comte, portez-vous de la poudre ? lui dit madame Pietranera la troisième fois qu’elle le voyait. De la poudre un homme comme vous, aimable, encore jeune et qui a fait la guerre en Espagne avec nous !

— C’est que je n’ai rien volé dans cette