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l’inquiétude, il avait connu le général, dont il ne savait pas la mort. Le général n’est pas homme à ne pas se venger si j’arrête sa femme mal à propos, se disait-il.

Pendant cette délibération qui fut longue, la comtesse avait lié conversation avec la jeune fille qui était à pied sur la route et dans la poussière à côté de la calèche ; elle avait été frappée de sa beauté.

— Le soleil va vous faire mal, mademoiselle ; ce brave soldat, ajouta-t-elle en parlant au gendarme placé à la tête des chevaux, vous permettra bien de monter en calèche.

Fabrice, qui rôdait autour de la voiture, s’approcha pour aider la jeune fille à monter. Celle-ci s’élançait déjà sur le marche-pied, le bras soutenu par Fabrice, lorsque l’homme imposant, qui était à six pas en arrière de la voiture, cria d’une voix grossie par la volonté d’être digne :

— Restez sur la route, ne montez pas dans une voiture qui ne vous appartient pas.

Fabrice n’avait pas entendu cet ordre ; la jeune fille, au lieu de monter dans la calèche, voulut redescendre, et Fabrice continuant à la soutenir, elle tomba dans ses bras. Il sourit, elle rougit profondément ; ils restèrent un instant à se regarder après que la jeune fille se fut dégagée de ses bras.