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dans le château par la petite fenêtre d’une cave ; c’est là qu’il était attendu par sa mère et sa tante ; bientôt ses sœurs accoururent. Les transports de tendresse et les larmes se succédèrent pendant longtemps, et l’on commençait a peine à parler raison lorsque les premières lueurs de l’aube vinrent avertir ces êtres qui se croyaient malheureux, que le temps volait.

— J’espère que ton frère ne se sera pas douté de ton arrivée, lui dit madame Pietranera ; je ne lui parlais guère depuis sa belle équipée, ce dont son amour-propre me faisait l’honneur d’être fort piqué ; ce soir à souper j’ai daigné lui adresser la parole ; j’avais besoin de trouver un prétexte pour cacher la joie folle qui pouvait lui donner des soupçons. Puis, lorsque je me suis aperçue qu’il était tout fier de cette prétendue réconciliation, j’ai profité de sa joie pour le faire boire d’une façon désordonnée, et certainement il n’aura pas songé à se mettre en embuscade pour continuer son métier d’espion.

— C’est dans ton appartement qu’il faut cacher notre hussard, dit la marquise, il ne peut partir ; tout de suite dans ce premier moment, nous ne sommes pas assez maîtresses de notre raison, et il s’agit de choisir la meilleure façon de mettre en défaut cette terrible police de Milan.