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jurant, à un blessé ! Il n’était pas assez philosophe, ce jeune Italien, pour se rappeler quel prix lui-même avait acheté ce cheval.

Aniken lui apprit en pleurant qu’on avait loué un cheval pour lui ; elle eût voulu qu’il ne partît pas ; les adieux furent tendres. Deux grands jeunes gens, parents de la bonne hôtesse, portèrent Fabrice sur la selle pendant la route ; ils le soutenaient à cheval, tandis qu’un troisième, qui précédait le petit convoi de quelques centaines de pas, examinait s’il n’y avait point de patrouille suspecte sur les chemins. Après deux heures de marche, on s’arrêta chez une cousine de l’hôtesse de l’Étrille. Quoi que Fabrice pût leur dire, les jeunes gens qui l’accompagnaient ne voulurent jamais le quitter ; ils prétendaient qu’ils connaissaient mieux que personne les passages dans les bois.

— Mais demain matin, quand on saura ma fuite, et qu’on ne vous verra pas dans le pays, votre absence vous compromettra, disait Fabrice.

On se remit en marche. Par bonheur, quand le jour vint à paraître, la plaine était couverte d’un brouillard épais. Vers les huit heures du matin, l’on arriva près d’une petite ville. L’un des jeunes gens se détacha pour voir si les chevaux de la