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Aussitôt accourut la bonne maîtresse de la maison, femme énorme ; elle appela du secours d’une voix altérée par la pitié. Deux jeunes filles aidèrent Fabrice à mettre pied à terre ; à peine descendu de cheval, il s’évanouit complètement. Un chirurgien fut appelé, on le saigna. Ce jour-là et ceux qui suivirent, Fabrice ne savait pas trop ce qu’on lui faisait, il dormait presque sans cesse.

Le coup de pointe à la cuisse menaçait d’un dépôt considérable. Quand il avait, sa tête à lui, il recommandait qu’on prît soin de son cheval, et répétait souvent qu’il paierait bien, ce qui offensait la bonne maîtresse de l’auberge et ses filles. Il y avait quinze jours qu’il était admirablement soigné, et il commençait à reprendre un peu ses idées, lorsqu’il s’aperçut un soir que ses hôtesses avaient l’air fort troublé. Bientôt un officier allemand entra dans sa chambre ; on se servait pour lui répondre d’une langue qu’il n’entendait pas ; mais il vit bien qu’on parlait de lui ; il feignit de dormir. Quelque temps après, quand il pensa que l’officier pouvait être sorti, il appela ses hôtesses :

— Cet officier ne vient-il pas m’écrire sur une liste, et me faire prisonnier ?

L’hôtesse en convint les larmes aux yeux.

— Eh bien ! il y a de l’argent dans mon