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Il aida Fabrice en continuant son discours. Si un cavalier ennemi galope sur toi pour te sabrer, tourne autour de ton arbre et ne lâche ton coup qu’à bout portant, quand ton cavalier sera à trois pas de toi ; il faut presque que ta baïonnette touche son uniforme.

— Jette donc ton grand sabre, s’écria le caporal, veux-tu qu’il te fasse tomber, nom de D… ! Quels soldats on nous donne maintenant ! En parlant ainsi, il prit lui-même le sabre qu’il jeta au loin avec colère.

— Toi, essuie la pierre de ton fusil avec ton mouchoir. Mais as-tu jamais tiré un coup de fusil ?

— Je suis chasseur.

— Dieu soit loué ! reprit le caporal avec un gros soupir. Surtout ne tire pas avant l’ordre que je te donnerai ; et il s’en alla.

Fabrice était tout joyeux. Enfin je vais me battre réellement, se disait-il, tuer un ennemi ! Ce matin ils nous envoyaient des boulets, et moi je ne faisais rien que m’exposer à être tué ; métier de dupe. Il regardait de tous côtés avec une extrême curiosité. Au bout d’un moment, il entendit partir sept à huit coups de fusil tout près de lui. Mais, ne recevant point l’ordre de tirer, il se tenait tranquille derrière son