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journal de stendhal

sidération que je m’étais attirée pendant le dîner. Elle disait tout ce qu’elle pensait, en revenant de la promenade fatiguée, je vis qu’elle nous disait tout ce qu’elle pensait. Il était sept heures, nous étions dans le bureau de M. Roger, M. …* lisait, elle tenait un bouquet négligemment de la main droite, ce bouquet était tout près de moi. Je me mis à le caresser et, fidèle au caractère romanesque, je goûtais une jouissance vive ; enfin elle, après avoir senti longtemps ce mouvement, m’en donna un coup sur les doigts.

Tout ceci est mal décrit, mais ce fut une journée heureuse et même très heureuse, la première fois de ma vie que j’aie eu de l’esprit deux heures de suite en présence du terrible Z.



Jeudi 19.


Pluie. Je vais déjeuner à huit heures et demie chez Hardy, de là chez Louis, qui me rapporte les invitations de Mme B. Je vais chez M. Renauldon* ; cet homme, quoique sot, doit être un bon maire, son génie et son amour-propre sont au niveau de cette place distinguée. Il me récite un je ne sais quel plat proverbe : « Travaille vilain, vilain travaille, » qui prouve qu’ils sentent cependant où le bât les blesse. De là chez moi, où je lis Malthus de midi à cinq heures trois quarts. De là à Longchamp, presque personne. Je dîne vite et bien chez Legac-