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1809 — 20 novembre.
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paris


Je dus avoir de la grâce et du sentiment, car j’étais animé, pas trop animé, et je ne me contraignais nullement. Tout ça, comme le reste de ma conduite, est assez imprudent. Les spectateurs croient peut-être qu’elle m’aime, les sots vont peut-être jusqu’à croire que je l’ai.

Enfin, on annonce que les chevaux ne viendront que le lendemain ; Mme Z. se fâche, ils arrivent. Moment de trouble, on se sépare, on s’embrasse, je n’agis pas. Sen… lui donne le bras pour descendre, elle prend le mien. Je serre celui qu’elle m’a donné, elle s’est sans doute aperçue de ce mouvement.

En bas, à une heure et demie, près de la voiture, elle se retourne à gauche et me dit en avançant la tête : « Adieu, mon cher c[ousin]. » Je l’embrasse, son voile coupe ce baiser en deux, mais enfin il fut donné avec âme et reçu sans froideur, à ce qu’il me parut.


J’ai fait par hasard le journal de l’arrivée (21 octobre) et du jour du départ, en y ajoutant celui de la promenade au Kahlenberg ; je pourrai me former, dans quelques années, une idée de ma conduite. Avec plus de hardiesse, si j’avais pris dès le commencement le ton de la galanterie, si elle avait été continuellement avec Mme B…, je crois que j’aurais été bien près d’être heureux. Il ne faut pas manquer, si je la revois, de prendre le ton d’une galanterie gaie dès le premier abord. Un peu plus de hardiesse de plus et nos nombreux tête-à-tête, qui ont dû lui