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journal de stendhal

Tout a été charmant pour moi à Neubourg : beau pays, bel orage, ville bien bâtie ; jolies filles, ce qui donne un vernis charmant à tout le reste. Nous les aurions eues si nous eussions passé la nuit à Neubourg, et j’aurais été assez content que le manque de chevaux nous y eût contraints*.

Temps sombre et enfin nuit jusqu’à Ingolstadt. À demi-lieue de la ville, nous apercevons des feux et nous traversons un bivouac. Nous entrons en ville, allons chez le commandant de la place chercher notre billet de logement, chez M. Desermet, com[missair]e d[es] g[uerres]. Nous roulons une heure dans une profonde obscurité pour chercher notre logement, à l’aide de la petite lanterne d’une vieille officieuse. Nous arrivons enfin chez un prêtre, figure débonnaire (Beneficiis Haus, no 20), chez lequel nous étions logés ; cet homme, pleutre par nature, nous accable d’injures, va à la Municipalité. Nous l’attendons une heure chez lui, je gagne la faveur d’une vieille servante, nous visitons les lieux et voyons bien qu’il n’y a pas de logement. Nous allons avec lui à la Municipalité, il était dix heures et nuit obscure. Ici commence une scène digne de la comédie. Nous arrivons vis-à-vis d’un petit homme maigre, à grosse tête et figure assez spirituelle, qui faisait les logements. Mais comme il les faisait depuis trois jours, il dormait debout, nous regardait en souriant, s’appuyait sur la table comme pour chercher des papiers, s’en