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1809 — 19 avril.
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allemagne

belle auberge. « Venez donc manger de la fricassée excellente que je fais. »

J’entre : trois jolies filles. Bénard et Paris se procurant des chevaux, M. C. tout triste de n’en point avoir, moi indifférent, craignant de le paraître à mes occupés camarades, allant de la porte à la cuisine, de la cuisine à la salle. Enfin la fricassée parut. Je m’y mis, Cuny* ne paraissait point. Mais les trois jolies filles, dont une ne l’était pas trop, la seconde pas du tout, à cause de la petite vérole, mais faite comme un ange, si cependant les anges ont de gros culs, disait Montbadon ; la troisième avait une fluxion, mais une physionomie pleine de douceur et d’agrément. Nous rîmes une heure avec elles. Ce genre de plaisir fait chez moi entière diversion à tout autre genre de pensées et procède from b.* et de mon imagination trompeuse, mais je me livre à son erreur en la connaissant, qui me figure le caractère que semblent promettre ces physionomies aimables, et m’empêche de voir tout le laid. L’illusion que j’éprouve est du genre de celle que donne le spectacle. Enfin, il fallut les quitter. Notre voiture glissa sur la rue rapide par laquelle on sort de Neubourg. En sortant, nous traversons le beau Danube, qui ressemble assez au Rhin à Genève [sic]. Le Danube est séparé en deux par une digue dont je n’ai pas eu le temps de voir l’objet.

En sortant de Neubourg, paysage superbe.