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journal de stendhal

grêle). Nous suivions le cours du Rhin, laissant à droite les montagnes qui forment son bassin à l’orient, et qu’on appelle, je crois…* Cela m’inspire un sentiment favorable à l’Allemagne. Il fut fortifié par une très belle fille que j’avais vue à la fenêtre de la poste à Kehl.

Après l’orage, la soirée fut fort belle, et le ciel, après le coucher du soleil, magnifique par la pureté et la dégradation parfaite de la belle couleur aurore rouge qu’il prit. Nous chantâmes dans la voiture, ou plutôt M. C, qui chante fort bien, chanta quelques airs italiens, et entre autres la belle romance du Figaro, de Mozart :


Voi che d’amore, etc.


Cet air me semble parfaitement d’accord avec le caractère de tout ce qui m’a plu en Allemagne. C’est encore douceur et faiblesse, unie avec quelque chose de céleste, mais c’est la faiblesse touchante produite par la passion et non la faiblesse plate inspirant le mépris. Le temps changera peut-être mes idées, mais tout ce qui me plaît en Allemagne a toujours la figure de Minette*.

Je cherche à voir beaucoup les paysans et à leur plaire. Ainsi, à…*, j’entrai à la poste, plaisantai avec des filles de peine qui soupaient, et mangeai des pommes de terre cuites à l’eau, comme elles.

Nous entrevîmes Carlsruhe à quatre heures du