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1810 — 9 mai.
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paris

À neuf heures et demie, nous partons, après un déjeuner froid. Nous voyons la Savonnerie* ; couleurs larges et brillantes, beaux et riches tapis.

Nous arrivons* sur les onze heures à la manufacture de Sèvres[1], qui dans ce moment est environnée d’arbres au feuillage frais. Je dirais qu’elle est située au milieu d’une campagne assez agréablement variée si je ne trouvais qu’il y a trop de maisons aux environs. Pour les environs de Paris, dont le caractère distinctif à mes yeux est de manquer de grandiose, elle est cependant très bien située, et ce qui y manque ne serait pas aperçu par les imaginations à la Genlis, qui n’ont pas été sanctifiées par les Alpes, la mélancolie et l’amour malheureux.

Je trouve à Sèvres la plus belle créature vivante que j’aie jamais vue : Adolphe Brongniart*, fils du savant qui est administrateur de la Manufacture. Nous y voyons aussi le plus joli objet manufacturé que j’aie jamais vu : la table ronde de trois pieds moins un pouce de diamètre, présentant les portraits de la plupart des maréchaux, et celui de l’empereur au centre*. Isabey (qui ne nous a montré qu’une physionomie basse faisant, par intérêt, des politesses à l’homme puissant qu’il craint et n’aime pas, sans le moindre vestige de celestial fire*) nous fait les honneurs de sa table, qui vraiment donne

  1. Je lis et remplis les vides prudents* in Milan, 21 juin 1815.