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1810 — 3 mai.
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paris

homme annonce des idées très nettes et beaucoup de sensibilité sans nulle enflure. Il paraît très instruit en grammaire générale, et a déclamé the country churchyard* comme un ange, vraiment d’une manière supérieure.

La prudence me fait terminer ici ce cahier. Demain sera l’anniversaire d’une époque de 1806, où sans haïr (de la moindre manière), je maudissais un peu ce que je vois d’un œil bien différent aujourd’hui.

Fin de 1810, dans ce cahier[1].


Le fanatisme.

Se montre partout où, sur des objets importants, un peuple

  1. GÉNIE. — M. Lem.* disait l’autre jour : « Je n’ai point de mémoire pour ce qui n’est pas du vrai domaine de mon génie. »

    On peut se croire du nombre de ceux qui peuvent aspirer au génie quand on sent que depuis longtemps on a mis le bonheur de toute sa vie à exceller dans un genre, que toutes les jouissances, comme, par exemple, 100.000 livres de rente, vous seraient insipides si elles vous étaient données à condition de renoncer à ce goût que vous avez pour telle branche des arts.

    Voilà le cœur d’un artiste, le ressort ; quant à l’esprit qui mettra ce ressort à même de produire de beaux effets, il faut qu’il soit bien dirigé.

    Mais, pour revenir, c’est une preuve qu’on a ce ressort quand on n’a « point de mémoire pour ce qui n’est pas du vrai domaine de son génie, et qu’on en a beaucoup pour ce qui est de ce domaine. » (Seen the sevent mai 1810, the next day, to a gay and free evening at lady Z’house*.)