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Ce fleuve m’explique comment deux âmes de même nature, avec des degrés d’esprit différents, peuvent se choquer. Par exemple, Mme Lb[1]. et moi avons quelques rapports pour la sensibilité, mais, comme toutes les idées du genre d’Elvezio lui manquent, elle va comme la flèche L, moi comme la flèche B, elle ne s’aperçoit pas de la colline de Leopoldstadt, elle croit que nos directions sont opposées. Je ne suis rien pour elle à cause de ça. Avec un peu d’esprit, nous reconnaîtrions que nous devons nous entendre.

C’est par les détours de ce fleuve que j’explique les changements de mon caractère. Il y a douze ans que l’air de l’Italie du tombeau d’Alfieri, par Canova, m’aurait rebuté ; je voulais (demandais aux arts), sans m’en douter, des figures dans le genre de celle de Mlle Kubly[2]. Une petite figure à grâces françaises et maniérées me ferait mal au cœur aujourd’hui. Le fleuve est toujours entraîné par la même pente, mais les accidents de terrain qui déterminent son cours ont changé. Les vérités entrées

    aussi une réminiscence du Lepoldsberg bien connu par lui, aux environs de Vienne, mais le Danube au pied du Leopoldsberg ne marque aucune courbe.

  1. Faut-il penser à Mme Le Brun, à Mme La Bergerie ou à Mme Lamberti ?
  2. Sur Mlle Cubly qui chantait l’opérette au théâtre de Grenoble, voir la vie de Henri Brulard.